Séminaire "Corps et sexualité des Femmes" Aix 12 juillet 2021

 


Le Forum Femmes Méditerranée a présenté lors du séminaire “Corps et sexualité des femmes” du 12 juillet à la MMSH à Aix en Provence en collaboration avec GEFEM-TELEMME plusieurs autrices afin de rendre visibles les femmes et leurs corps à travers leur histoire, leurs écrits, le poids des religions et des traditions sur leur sexualité.

 

Nous avons réuni dans le même espace, le monde de la pensée, de la création sur les femmes, par les femmes. A travers un espace de recherche autour de la question des corps et de la sexualité et par la présentation de travaux, de revues, de textes de femmes méditerranéennes. Échanger, transmettre et partager des points de vue et expériences ainsi que la diversité des résistances étaient les maitres mots de cette journée

 

Lorsqu’on parle de corps et de sexualité, beaucoup de thèmes sont sous-jacents et impliqués. Chacun et chacune a un rapport particulier à son corps. Cependant, nos corps ne doivent être à disposition ni des jugements, ni des violences.

Les femmes doivent s’approprier leur corps, le conquérir et le reconquérir. En effet, depuis toujours volé, invisibilisé, sexualisé, nié, violé, le corps des femmes est un enjeu de pouvoir, de domination, d’exploitation mais aussi un enjeu de lutte et d’émancipation. Si au moment de la lutte pour la libéralisation de l’avortement l’énoncé était : « mon corps, mon choix ! », aujourd’hui l’énoncé pourrait être complété par : « mon corps n’est pas à votre disposition ! » N’importe qui n’a pas à s’autoriser à toucher nos corps, à les commenter et à les juger. 

 

Martine Storti affirme d’ailleurs : « La revendication de l’égalité femme-homme ne se décline pas seulement en égalité des sexes, mais en égalité sexuelle contre l’ancestrale et universelle conception qui met le corps des femmes, le sexe des femmes à disposition des hommes, et contre cette éducation où l’on apprend aux hommes à céder à leurs désirs et aux femmes à céder sur leurs désirs. » 

 

Comme le dit Geneviève Fraisse, si « le corps est évidemment partie prenante du fantasme et de l’image, s’il est au cœur des débats sur le sexe et le genre », il est aussi « une matière qui parle », il est un « langage de l’émancipation ».

 

Le séminaire se déclinera avec trois thèmes

·        Corps fantasmé et médiatisé

·        Corps maltraité

·        Corps libérés ?

Des autrices  et créatrices de plusieurs pays méditerranéens pourront échanger leurs points de vue et leurs productions créatives

 

 43 personnes ont participé à ce séminaire sous forme « hybride »

 

Les vidéos visionnées lors des interventions :


Le site internet d’Irene: https://irenepittatore.it

Sa pratique artistique se concentre sur les responsabilités sociales et culturelles de l'artiste par rapport au contexte d'intervention, en étudiant la relation complexe entre l'art, le genre, l'économie et la sphère publique par le biais de la photographie, de la performance et de projets relationnels.

Pour revoir la vidéo « YOU AS ME WORKSHOP / VILLA ARSON »

: https://vimeo.com/284944368

 

 

Adrienne Arth : « Eros métamorphoses ou le sujet du désir »


« Cette série travaille sous le prisme de trois «  classiques » de la représentation : l’éros, le nu féminin et l’autoportrait. D’eros, elle explore des métamorphoses, de la puissance d’Eros triomphant à la fragilité du corps dénudé, du quotidien à l’onirique »

 

https://adriennearth.com/photos/eros-le-sujet-du-desir/

 

Le site internet de l’artiste : https://adriennearth.com/

 

 

Le duo AARTEMIS « Autopsie d’un fantasme 2021. Performance/Art vidéo

 

Retrouver le teaser :

https://ps-af.facebook.com/aartemisartworks/videos/teaser-autopsie-dun-fantasme-2021-performanceart-vid%C3%A9o-bient%C3%B4t-aartemis-art-vide/1182177465541440/?__so__=permalink&__rv__=related_videos



 

Intervention d’Esther FOUCHIER

Corps des femmes et sexualités

 

Les corps des femmes sont aujourd’hui encore à disposition et nous avons, aujourd’hui encore à penser aux manières de le reconquérir. Comme le dit Geneviève Fraisse, si « le corps est évidemment partie prenante du fantasme et de l’image, s’il est au cœur des débats sur le sexe et le genre », il est aussi « une matière qui parle », il est un « un langage de l’émancipation. »

 

Avant même notre naissance, nous sommes « attendus » comme fille ou garçon. Nous incorporons une place et nous devenons le sujet sexuel que nous étions déjà par avance. Ce processus de formatage peut « consister en un contrôle corporel, en un contrôle des pratiques de la vie quotidienne, des normes sexuelles, et évidemment il contribue dans l’intériorisation de canons esthétiques. Le corps est le lieu privilégié de la construction et des projections identitaires, culturelles et sociales.

 

Le corps est la cible de violences en tout genre. Les sexes des femmes sont découpés,  cousus. 130 à 150 millions de femmes ont été excisées dans le monde. En France, elles  sont

60.000.  En  France,  toujours,  on  ne  s’autorise  à  représenter  le  clitoris  dans  un   manuel scolaire que depuis l’an dernier. Un organe du corps humain avait pu jusqu’alors être oublié de l’anatomie. Un organe féminin…

Dans la rue, les corps des filles et des femmes sont très tôt et quotidiennement sexualisés par des hommes. Des hommes tuent aussi des femmes, leurs femmes. Dans 74% des cas quand elles souhaitaient les quitter. Comme si ces femmes étaient des corps réduits à des choses que l’on possède, et sur lesquels on aurait tous les droits. 84.000 femmes sont  violées tous les ans en France, par des hommes qui considèrent que ces corps sont à leur disposition. Seuls 1 à 2% des plaintes aboutissent à des condamnations, c’est dire  à quel point l’opinion publique et la justice aiment à croire que les victimes auraient consenti à mettre leur corps à disposition.

 

Depuis quelques années l’actualité a été marquée par le courage répété de milliers de femmes qui ont témoigné des violences sexuelles qu’elles vivent ou qu’elles ont vécues.

 

Nous pouvons saluer leur courage et prendre la mesure de l’enjeu. Si au moment de la lutte pour la libéralisation de l’avortement l’énoncé était : « mon corps, mon choix ! »,  aujourd’hui l’énoncé pourrait être : « mon corps n’est pas à votre disposition ! » N’importe qui n’a pas à s’autoriser à toucher nos corps, à les commenter et à les juger. Martine       Storti affirme d’ailleurs : « La revendication de l’égalité femme-homme ne se décline pas seulement en égalité des sexes, mais en égalité sexuelle contre l’ancestrale et universelle conception qui met le corps des femmes, le sexe des femmes à disposition des hommes, et contre cette éducation où l’on apprend aux hommes à céder à leurs désirs et aux femmes à céder sur leurs désirs. »

 

La prise de conscience devrait être collective. Nous avons là une occasion de plus, de penser l’égalité et la réciprocité dans le désir et dans la relation.

 

Cela nous amène à interroger également la notion de libération sexuelle. La dite liberté sexuelle, obtenue grâce à la pilule contraceptive et au droit à l’avortement, a certes permis de dissocier la sexualité et la reproduction. Mais cela a également permis à la domination masculine de se renouveler en avançant masquée, sous le drapeau de la liberté sexuelle. Les jeunes femmes qui ne couchaient pas, en particulier celles qui évoluaient dans les milieux militants, étaient mal vues, elles étaient considérées comme conservatrices ou réactionnaires. La pression était énorme. La féministe Diana Russell déclarait en 1974 que

« si la libération sexuelle ne s’accompagnait d’une libération des rôles sexuels traditionnels, il pourrait s’ensuivre une oppression des femmes encore plus grande qu’auparavant ».

 

La libération sexuelle ne s’est pas accompagnée d’une libération des rôles sexuels et elle a entraîné non seulement la libéralisation sexuelle, mais aussi une explosion de la marchandisation du sexe. L’accès plus grand aux femmes s’est accompagné d’une explosion de la pornographie et de la prostitution. Le harcèlement de rue s’est développé, tout comme le sexe tarifé, le viol tarifé.

 

Les injonctions à la sexualité et à la sexualisation vont également de pair avec d’autres injonctions : celle d’être belle, de faire attention à son corps, de faire en sorte qu’il soit attrayant pour l’autre et d’utiliser tous les moyens pour qu’il le soit. Il s’agit là d’un moyen

 

supplémentaire de contrôle de nos corps qui passe autant par la pression sociale que par la transmission d’une haine de soi.

 

L’on peut également questionner l’influence de la pornographie dans l’hypersexualisation des jeunes. Certaines études ont montré qu’il y avait une corrélation très forte entre l’âge du début de la consommation de la pornographie et les transformations corporelles. Plus les adolescentes commençaient jeunes à consommer de la pornographie, plus l’épilation était une norme, plus il y avait de tatouages, plus il y avait de piercings, etc. L’image du corps féminin pornographié devient ainsi le modèle de féminité et transforme les pratiques sexuelles des adolescent.e.s.

 

Nous aborderons également durant le salon la question du corps médical. La médecine est- elle patriarcale ? La médecine contribue-t-elle à considérer que le corps des femmes est disponible et à disposition ? Je ne citerai que deux scandales. En gynécologie, des étudiants s’exercent au toucher vaginal sur des « patientes endormies » au bloc opératoire. Que devient le consentement des patientes ? La loi pourtant l’interdit.

 

Autre scandale, le « point du mari ». Pratique mutilante qui consiste après  un accouchement, lors de la suture d’une déchirure ou d’une épisiotomie, à recoudre le vagin

« plus serré », dans le but d’une sensation sexuelle plus intense pour le partenaire masculin. Une pratique qui aménage donc le corps des femmes en fonction des désirs et du plaisir des hommes.

 

Alors comment transformer nos corps disponibles et à disposition en outil de lutte ? C’est précisément ce que les FEMEN sont parvenues à faire. En exposant leurs corps, elles  donnent à voir la violence du patriarcat. Elles s’exposent. Une poitrine dénudée pourrait ne générer aucune réaction, mais ce n’est pas le cas. Elles se réapproprient leurs corps et la violence patriarcale se déchaîne.

 

Rien de naturel dans tout cela. La socialisation explique la violence de nos sociétés contre les femmes. Ce qui est construit peut être interrogé et nous pouvons revendiquer que les choses changent. Nous pouvons travailler à la déconstruction des injonctions, pour que cessent les violences et pour qu’il n’y ait plus de hiérarchie entre les corps de femmes. La cellulite, les bourrelets, les poils, les plis ne devraient poser aucun problème, pas plus qu’une poitrine dénudée.

 

Nos corps ne doivent être à disposition ni des jugements, ni des violences. Nous allons travailler ensemble durant cette journée et longtemps encore, pour que nos corps ne soient plus le champ de bataille du patriarcat.



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